Présentes dans presque tous les habitats terrestres (forêts tropicales, déserts, savanes, zones urbaines, et paysages agricoles), on estime à un milliard de milliards le nombre de fourmis dans le monde.
Considérées comme des acteurs majeurs dans l’écosystème, elles font l’objet d’étude de la thèse de Fátima García Ibarra qui s’intéresse à leur impact sur la dynamique des sols et de l’eau.
L’importance écologique des fourmis
Avec plus de 15 000 espèces et sous-espèces découvertes, les fourmis sont essentielles au bon fonctionnement des milieux qu’elles habitent. Elles contribuent à l’aération du sol, jouent un rôle de décomposeur en se nourrissant de déchets organiques, d’insectes ou d’autres animaux morts et constituent également une source de nourriture pour les vertébrés et les invertébrés. Enfin, elles ont une influence importante sur de nombreuses fonctions des écosystèmes telles que la dispersion des graines ou la chimie du sol, du fait de leurs modes de vie.
Des alliées pour comprendre les impacts des changements climatiques
La biodiversité fait face à des pressions croissantes liées notamment à l’activité humaine. La surexploitation des ressources naturelles, la pollution et les changements climatiques ont des impacts considérables sur les individus, les populations, les espèces et les écosystèmes. Plus particulièrement, les variations de température peuvent affecter la survie, la reproduction et la répartition géographique des espèces, ou même changer leur phénologie.
Puisque les fourmis sont des insectes ectothermes, c’est-à-dire que leur température corporelle est dépendante de celle du milieu dans lequel elles évoluent, elles dépendent directement des conditions climatiques : le développement des larves, les activités des adultes ainsi que la distribution des colonies sont étroitement liées au climat. L’observation de leur comportement, physiologie et morphologie peut ainsi servir comme modèle pour comprendre les réponses et les stratégies des organismes face aux variations de températures et aux changements climatiques en général.
Prenant ce principe comme base, Fátima cherche à évaluer en quelle mesure les variations climatiques affectent les stratégies de différentes espèces de fourmis, et les conséquences de ces variations sur leur écosystème. Elle réalise pour cela deux expériences.
Une étude en 2 phases pour analyser le comportement des fourmis
La première expérience, que Fátima réalise sur le campus de l’IRD à Bondy, vise à imiter les changements climatiques dans des serres selon 2 paramètres : une hausse de la température et une précipitation plus ou moins importante. 15 serres sont alors installées exposant les fourmis présentes dans les serres à ces deux paramètres durant deux ans.
Pour la précipitation, elle utilise un système d’arrosage automatisé déversant une quantité d’eau de pluie récoltée. Divisées en trois groupes, le système distribue respectivement 100%, 70% et 130% d’eau dans 5 serres et 5 parcelles sans serre qui jouent le rôle de témoin.
En sus de cette expérience, elle prélève, matin et soir, les différents types d’espèces de fourmis présents dans les serres pour les identifier et les classifier afin d’analyser si de nouvelles espèces de fourmis sont apparues ou ont disparu et ou encore l’abondance d’une espèce par rapport à une autre, du fait des deux facteurs mis en place. Pour obtenir des résultats absolus, Fátima combine deux méthodes d’échantillonnage :
- Le pitfall, aussi appelé le piège fosse, permet de d’obtenir des indices d’abondance des espèces et estimer la densité de leur distribution (par exemple le nombre d’individus par unité de surface)
- L’appât, plus sélective et rapide, cette méthode permet d’attirer les fourmis à l’aide de différents appâts selon les espèces (du miel et de la pomme, des sardines, des graines de sésame).
La seconde expérience, située sur le campus de Jussieu à Sorbonne Université, consiste à étudier les nids de 20 colonies de fourmis. Placées sous des lampes chauffantes, ces colonies sont exposées à 3 températures distinctes durant plusieurs semaines. Par tomographie?, Fátima analyse la structure des nids selon deux paramètres : leurs profondeurs et leurs complexités, mais également la porosité et l’infiltration de l’eau dans les nids. En effet, considérées comme des importants ingénieurs du sol, les fourmis permettent une meilleure infiltration de l’eau dans le sol et contribuent à son aération.
Encore en cours, ces expériences permettront d’étudier, à petite échelle, les modifications de la diversité des espèces des fourmis liées à des facteurs climatiques changeants mais également d’observer et de comprendre les conséquences de la température sur la façon dont la construction de leurs nids affecte l’infiltration d’eau dans le sol.
Fátima Garcia Ibarra de l’équipe ESEAE du département EcoEvo et de l’équipe FEST du département Sols_ZC est inscrite en thèse à l’école doctorale 227 “Sciences naturelles et humaines: écologie et évolution” à Sorbonne Université, où elle est encadrée par Pascal Jouquet et Thibaud Monnin (iEES Paris).