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Les perturbations environnementales affectent plus fortement les espèces de grande taille

Une caractéristique fondamentale des communautés écologiques est que les petits animaux y sont plus nombreux que les grands. L’effet des perturbations environnementales sur ces « pyramides d’abondance » reste mal connu. Dans une étude publiée récemment dans Ecology Letters, des chercheurs de l’iEES Paris et de l’Université de Zürich ont montré que des perturbations qui affectent les espèces indépendamment de leur taille ont un impact disproportionné sur les grandes espèces, modifiant ainsi la forme des pyramides d’abondance.

Mots-clefs : pyramide écologique, taille des organismes, perturbations environnementales



Face aux changements globaux actuels, il est essentiel de comprendre comment les communautés écologiques réagissent aux perturbations de leur environnement. Une caractéristique fondamentale des communautés écologiques est que les petits animaux y sont plus nombreux que les grands.

Ces « pyramides d’abondance » se retrouvent à la fois dans les écosystèmes terrestres et aquatiques. La place occupée par les organismes au sein des pyramides influence leurs fonctions écologiques et leur vulnérabilité aux perturbations humaines ou environnementales. Par exemple, de nombreuses études scientifiques ont montré comment la pêche modifie l’abondance des espèces de différentes tailles dans les écosystèmes marins, en ciblant de façon préférentielle les poissons de grandes tailles. Toutefois, une compréhension générale de l’effet de perturbations environnementales sur les pyramides d’abondance n’existe pas encore pour les autres écosystèmes.

Claire Jacquet, postdoctorante au sein du groupe « Écologie des communautés » dirigé par Florian Altermatt, professeur d’écologie aquatique à l’Université de Zurich et à l’Eawag (Suisse), et Isabelle Gounand chercheuse dans l’équipe Écologie et Évolution des Réseaux d’Interactions de l’iEES Paris, ont montré que les animaux de grande taille souffrent beaucoup plus des perturbations environnementales que ceux de petite taille. Plus les perturbations sont fréquentes, plus l’abondance des populations diminue, tandis que la probabilité d’extinction des grandes espèces augmente. Ces effets modifient la répartition de la taille des espèces au sein des communautés d’espèces.

Comparaison théorie-expérimentation

Les scientifiques ont utilisé deux approches complémentaires pour étudier la dynamique des pyramides d’abondance. Ils ont d’abord développé un modèle mathématique simple où cohabitent plusieurs populations d’espèces. Ce modèle estime l’abondance et la biomasse des communautés d’espèces quand elles sont soumises à des perturbations destructives de fréquence et d’intensité différentes, affectant la mortalité de toutes les espèces de la même façon

Les scientifiques ont, en parallèle, testé en laboratoire l’effet de ces perturbations sur des communautés en microcosmes. Pour ce faire, ils ont utilisé des communautés aquatiques composées de 13 espèces de protistes (organismes unicellulaires) et de bactéries d’eau douce, dont la taille variait de plusieurs ordres de grandeur. Ils ont soumis ces microcosmes à des perturbations de fréquence et d’intensité différentes, provoquant des pics ponctuels de mortalité des communautés d’espèces, qui miment des perturbations naturelles telles que les feux de forêt ou les ouragans.
Les scientifiques ont ensuite mesuré l’abondance et estimé la biomasse des espèces grâce à un système semi-automatisé d’analyse vidéo. D’une manière générale, les résultats expérimentaux ont validé les attendus du modèle mathématique. Ils ont permis de montrer que des perturbations peu fréquentes exerçaient une influence négligeable sur la forme des pyramides écologiques, tandis que celles plus fréquentes ou d’intensité plus forte ont tendance à écrêter la pyramide en provoquant l’extinction des organismes de grande taille (voir la figure). Les organismes de petite taille quant à elles survivent mieux aux perturbations.

Des différences de taux de croissance à l’origine du phénomène

Les scientifiques expliquent ces résultats de la manière suivante : les petits organismes se reproduisent beaucoup plus rapidement que les grands, ce qui signifie que le temps entre deux générations est plus court. Le taux de croissance détermine également la rapidité avec laquelle les animaux peuvent réagir à un changement de leur environnement. Par conséquent, les populations de grands organismes ont besoin de plus de temps entre deux perturbations pour se rétablir complètement. Si ce temps est trop court, leurs populations déclinent graduellement de perturbation en perturbation. « Ces résultats peuvent être appliqués à un grand nombre de scénarios réalistes.


Beaucoup reste à faire pour intégrer la complexité des communautés écologiques et mieux comprendre comment les perturbations modifient leur structure et leur fonctionnement. Cette étude pose des bases pour cette compréhension, une étape clé pour nous permettre d’atténuer les conséquences des perturbations sur les écosystèmes », conclut Isabelle Gounand.

Les écosystèmes sont soumis à des perturbations de plus en plus fréquentes
Les écosystèmes sont soumis à des perturbations de plus en plus fréquentes :
(a) par exemple des feux (photo libre de droit www.pixabay.com).
(b) Pour étudier leurs effets sur les communautés écologiques, les scientifiques ont développé un modèle ; celui-ci prédit que les perturbations réduisent l’abondances des espèces, pouvant mener à l’extinctions de celles de plus grande taille.
(c) Ce résultat a été retrouvé au laboratoire dans une expérience en microcosmes (photo : C. Jacquet), menée avec (d) des communautés de protistes (photo : F. Altermatt) soumises à des perturbations récurrentes.


Référence de la publication :

Jacquet C, Gounand I & Altermatt F. 2020. How pulse disturbances shape size-abundance pyramids. Ecology Letters. Early view

Coordonnées du l’auteur :

 GOUNAND Isabelle, CR CNRS

Contact communication de iEES Paris :

iees_paris-com@upmc.fr

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