Un événement de poussières exceptionnel !

Le 4 mai dernier, Niamey, la capitale du Niger, a connu une tempête de sable et de poussières d’une intensité telle qu’elle a attiré l’attention des médias.


Au cours de cette tempête qui a touché la capitale vers 14 h (heure locale), la visibilité a brutalement décru comme s’il faisait nuit en plein jour pendant une dizaine de minutes.
A Niamey, des pluies très importantes (56mm) ont suivi ce front de sable et de poussières.

Front de poussière arrivant sur la ville de Niamey
Front de poussière arrivant sur la ville de Niamey le 4 mai 2020 vers 14h (Photo Aliko Mamane – IRD Niamey)

Ce type d’événement est enregistré de façon récurrente au Sahel à l’approche de la mousson, mais avec une intensité en termes de teneurs en poussières et précipitation très variables d’une année à l’autre. L’intensité de ces tempêtes de poussières peut être quantifiée par la mesure des concentrations atmosphériques en particules de taille inférieures à 10 µm (PM10). Cette mesure est faite en routine à la station de Banizoumbou, à 70 km de Niamey, dans la cadre du Service National d’Observation INDAAF (https://indaaf.obs-mip.fr/).

graphique poussière

L’événement du 4 mai reproduit un schéma classiquement observé au cours du passage des systèmes convectifs.

En quelques minutes, la direction du vent change radicalement (de 200 à plus de 300°), la vitesse du vent en surface augmente et dépasse le seuil permettant la mise en mouvement des particules du sol, et simultanément la concentration en particules, produites par cette érosion locale, augmente de plusieurs ordres de grandeur : la concentration en PM10 passe d’environ 100 µg m-3 à presque 200.000 µg m-3 en moins de 5 minutes.

De façon simultanée, l’humidité relative de l’air passe de moins de 40% à 80% et la température chute de façon spectaculaire de 40 à 23°. Peu après, la pluie commence à tomber, mouille le sol et finit ainsi par inhiber l’érosion éolienne et en même temps nettoie l’atmosphère de ses poussières.
La concentration décroit alors assez brutalement pour atteindre son niveau initial, puis augmente à nouveau une dizaine d’heures plus tard en raison d’une recirculation de la masse d’air chargée en poussière, produisant une concentration ambiante qui atteint encore plus de 10.000 µg m-3 au cours de la nuit malgré un vent très faible.

L’enregistrement des concentrations et des paramètres météorologiques de surface à fine résolution temporelle (5min) par les stations du SNO permet d’enregistrer et de décrire précisément ce type d’événements de très courte durée, difficilement détectable par des mesures optiques au sol ou par satellite en raison de la présence de nuage et de leur courte durée.
Chaque année environ une trentaine d’événement associant fortes concentrations et précipitations sont enregistrés sur le site de Banizoumbou entre mai et septembre. Les événements les plus intenses sont enregistrés entre fin mai et début juillet, avec des concentrations maximales en PM10 qui varient généralement de 10.000 à 100.000 µg.m-3.

L’événement du 4 mai est l’événement le plus intense jamais enregistré depuis la mise en place de la station en janvier 2006. Déjà exceptionnel par son intensité, cet événement l’est également par sa précocité, car de tels niveaux de poussières sont rarement observés à Banizoumbou avant le 25 mai. En ce qui concerne les précipitations associées, elles sont très faibles à la station de Banizoumbou (2.2 mm) alors que des pluies torrentielles ont été mesurées à Niamey. Cela illustre l’extrême variabilité spatiale des précipitations associées à la convection dans cette région.

Malgré le confinement en France et dans les pays d’Afrique de l’Ouest, les stations du SNO INDAAF continuent de fonctionner grâce au travail et à l’investissement des opérateurs locaux et des Pis scientifiques et techniques du LISA (Créteil), du LA (Toulouse) et de iESS-Paris.


Le SNO INDAAF est labellisé par l’INSU-CNRS, soutenu par l’OSU EFUVE, l’OMP et l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement) et fait partie de l’Infrastructure de Recherche ACTRIS-Fr.

Contact : 

B. Marticorena et J.L. Rajot

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