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Suffit-il de changer d’exposition pour ne plus vieillir ? Les variations locales de la sénescence chez la vipère d’Orsini

Depuis le début des années 80, Jean-Pierre Baron, spécialiste des serpents, effectue un suivi individuel d’une population de la vipère d’Orsini au Mont Ventoux en France, une espèce de serpent rare et menacé à l’échelle de l’Europe. Dans cette étude, Thomas Tully et Jean-Francois Le Galliard, chercheurs de Sorbonne Université et du CNRS au laboratoire iEES Paris, ont analysé les données de ce suivi exceptionnel pour étudier la manière dont ces serpents vieillissent dans la nature. Dans leur article de la revue Journal of Animal Ecology, ils montrent une remarquable variabilité spatiale du vieillissement des vipères. Alors que, sur un versant, les serpents souffrent du vieillissement, sur l’autre versant, la sénescence est négligeable même aux âges les plus avancés. Cela montre que la sénescence peut dramatiquement changer à une échelle spatiale très fine.

Mots-clefs  : vieillissement, vipère, sénescence, mortalité


La durée de vie et les rythmes de vieillissement varient grandement entre espèces animales et végétales. Chez certaines, la survie et la reproduction déclinent avec l’âge : elles souffrent de sénescence. Chez d’autres, les vieux individus maintiennent des performances reproductives et de survie similaires aux jeunes : la sénescence est alors dite négligeable. Enfin, la sénescence peut être négative quand la survie ou la reproduction s’améliorent avec l’âge. La manière dont la mortalité et la reproduction changent avec l’âge des individus est encore mal connue chez les serpents, mais une théorie évolutive prédit une sénescence négligeable chez les espèces qui, comme les serpents, continuent à grandir à l’âge adulte et dont les femelles sont de plus en plus fécondes quand leur taille corporelle augmente.

Dans cette étude, nous analysons des trajectoires individuelles de vieillissement de la vipère d’Orsini (Vipera ursinii) à partir des données d’un programme de marquage-recapture effectué pendant 36 années successives dans deux habitats voisins d’une population du Mont Ventoux en France. Nos analyses permettent de quantifier l’espérance de vie, les temps de génération et la forme de la sénescence de la survie et de la reproduction.

Nous montrons que les vipères femelles parviennent à maintenir de bonnes performances reproductives même à des âges avancés, illustrant une sénescence reproductrice négligeable dans cette population. Nous montrons aussi que la forme de la sénescence de survie varie fortement à une très petite échelle géographique : dans l’habitat optimal, la survie adulte des vipères demeure stable quel que soit leur âge alors qu’à quelques centaines de mètres, dans un habitat moins favorable, les vipères mâles et femelles subissent une forte sénescence de survie.

Ces résultats démontrent que de forts changements qualitatifs dans les profils de sénescence peuvent être observés à une échelle spatiale réduite. Cette plasticité intra-spécifique de la sénescence offre des perspectives nouvelles pour mieux comprendre comment l’environnement détermine l’évolution de la sénescence chez les espèces sauvages.

Lire aussi

🔗 Site du CNRS INEE

🔗 CNRS Paris centre

🔗 Site de la faculté des sciences de Sorbonne Université

🔗 Passage dans l’émission “Camille passe au vert” de France Inter

🔗Article dans TechnoScience

Référence de la publication

Tully, T., Le Galliard, J.-F., & Baron, J.-P. (2020). Micro-geographic shift between negligible and actuarial senescence in a wild snake. Journal of Animal ecology, xx, xx. 10.1111/1365-2656.13317

Contact

TULLY Thomas, maître de conférences, Sorbonne Université, iEES Paris UMR 7618

Service communication

iees_paris-com@upmc.fr

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