Champ d'igname

IRD le Mag – Biodiversité : entre fragilité et durabilité

Le samedi 22 mai a eu lieu la Journée Mondiale de la Biodiversité !

Le saviez-vous ? La majorité des sols du monde est en général dans un état passable, mauvais ou très mauvais, et leurs conditions empirent. La gestion durable de ces espaces est donc au cœur des grands défis planétaires : sécurité alimentaire, eau potable, changement climatique, santé humaine, biodiversité. A cette occasion, Sébastien Barot, écologue des sols et conseiller scientifique Biodiversité de l’IRD à iEES Paris (Équipe EMS du Département DCFE), insiste sur l’importance de la préservation de cette ressource, qui concentre plus de 25 % de la biodiversité de notre planète.

? Tiré d’un passage d’un article dans l’IRD le Mag

Choyer les sols

Le sol est en effet une ressource vivante, qui concentre plus de 25 % de la biodiversité de notre planète.

« De nombreux organismes vivent dans les sols et à sa surface : bactéries, champignons, acariens, nématodes, centipèdes … »

précise Sébastien Barot, écologue des sols de l’iEES-Paris et conseiller scientifique Biodiversité de l’IRD.

 

Parmi ces êtres vivants, une espèce est emblématique de la santé des sols : le ver de terre. Il y joue en effet plusieurs rôles importants.

« Les lombrics contribuent à la structuration des sols, au recyclage de la matière organique et mettent à disposition des plantes les minéraux, comme l’azote et le phosphore, dont elles ont besoin pour leur croissance »,

explique l’écologue.

Tout ce petit monde souterrain travaille donc de concert pour modifier la dynamique et la composition des sols afin de les rendre plus fertiles mais aussi pour limiter l’érosion ou encore faciliter l’écoulement des eaux de pluie. Comment alors protéger les sols et les services qu’il procure à l’agriculture ?

D’abord, « semer des plantes de couverture après les récoltes permet d’éviter d’exposer des terres nues une bonne partie de l’année »

rappelle Sébastien Barot.

Une famille de végétaux est particulièrement bien taillée pour cette tâche : les fabacées, plus connues sous le nom de légumineuses. Cette grande famille végétale, qui comprend entre autres le trèfle, la luzerne, le soja, l’arachide et de nombreux autres légumes secs, enrichissent naturellement les terres en fixant l’azote de l’air grâce à une relation symbiotique avec des bactéries du sol, les Bradyrhizobiums. En plus de produire des protéines végétales pouvant nourrir bétail, volailles et les populations humaines, ces plantes permettent donc de réduire l’utilisation d’engrais. 

© IRD – Sébastien Barot Champ d’igname typique en pays Baoulé en Côte d’Ivoire. Les pratiques traditionnelles maintiennent une grande diversité de plantes cultivées et non-cultivées.

Favoriser l’agroécologie au Sud

Dans les régions tempérées, la prise de conscience des impacts de l’industrialisation de l’agriculture conduit au développement de pratiques agricoles plus durables. Mais dans les pays en développement, le contexte social et économique est complètement différent.

« L’agriculture vivrière traditionnelle pratique déjà une forme d’agroécologie. Mais la productivité n’est pas toujours au rendez-vous et la sécurité alimentaire est parfois menacée. Doit-on pour autant promouvoir des pratiques néfastes pour l’environnement ? »

s’interroge Sébastien Barot.

Des actions sont donc mises en place au Sud pour mettre en valeur les modes de production basés sur l’agroécologie, notamment au Maroc, mais aussi en Afrique subsaharienne. C’est le cas du Laboratoire mixte international « Écologie et développement durable – Biodiversité, agro-écologie et écologie urbaine » récemment lancé en Côte d’Ivoire par Sébastien Barot et Souleymane Konaté.

« Un de ses objectifs est de promouvoir l’agroécologie dans ce pays à partir des recherches sur la biodiversité réalisées depuis 1962 à la station d’écologie de Lamto »

explique l’écologue.

Avec notamment l’espoir d’augmenter les rendements de l’agriculture vivrière sans compromettre les écosystèmes ni le climat.

Cette particularité des légumineuses leur vaut d’être largement utilisées dans la rotation de cultures. Cette pratique alterne sur une même parcelle des cultures diverses, voire une jachère, en fonction des saisons et des années. 

Outre les effets bénéfiques pour la biodiversité, la rotation culturale améliore la structure du sol et perturbe le cycle de reproduction des ravageurs, des maladies végétales et des adventices, ces herbes dites mauvaises. D’où un usage plus limité de pesticides néfastes pour les macroorganismes du sol comme les vers de terre mais aussi pour les insectes du monde du dessus, notamment les pollinisateurs. Réduire le travail du sol est aussi bénéfique pour la biodiversité.

« Bien qu’ils permettent de rendre le sol plus meuble et de contrôler les adventices en les enfouissant, des labours en profondeur et systématiques ont un impact négatif sur les gros organismes du sol »

convient Sébastien Barot.

En fonction du terrain, des cultures et du climat, d’autres pratiques, comme les cultures associées ou encore l’apport de matière organique, peuvent venir compléter ces techniques agricoles respectueuses de l’environnement. En appliquant ces principes, les agriculteurs contribuent donc à la préservation de la biodiversité et celle-ci le leur rend bien. Selon un rapport de l’UICN paru l’année dernière, les cultivateurs sont en effet en mesure d’augmenter de façon significative leur productivité en favorisant la diversité du monde du dessous. Mieux, ces pratiques agricoles peuvent jouer un rôle majeur pour modérer le changement climatique. Des terres riches en biodiversité aident en effet à stocker le carbone atmosphérique dans les sols. C’est d’ailleurs l’idée principale de l’initiative « 4 pour 1000 » lancée lors de la COP21 en 2015 : agir pour le climat en augmentant la teneur en carbone organique des sols à l’aide de pratiques agricoles durables.

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