Paysage sahélien, région de Bambey, Sénégal, en septembre 2022

Comment expliquer la persistance du récit de la désertification du Sahel ?

Lorsqu’on mentionne le Sahel aujourd’hui, cette région africaine semi-aride entre le Sahara et l’Afrique soudanienne est souvent associée à la notion de désertification. Mais qu’en est-il au juste ? Que nous disent les dernières avancées en sciences environnementales quant à cette désertification ? Dans quelle mesure le « récit » de la désertification du Sahel s’appuie-t-il sur des résultats scientifiques, ou sur d’autres mécanismes, d’ordre plus politique ?  


Le paradigme de la désertification sahélienne, dont les racines remontent à la période coloniale, a gagné en popularité suite aux sécheresses des années 1970 et 1980. Dans cet article dernièrement paru dans la revue Regional Environmental Change, des auteur-e-s de iEES Paris et d’autres laboratoires (GET, LETG, CNRM, G-EAU) s’appuient sur une approche d’écologie politique pour montrer que ce « récit de la désertification » a été façonné sur la scène internationale par des organisations travaillant dans les domaines de la coopération internationale, des droits de l’homme, du développement régional, de la régulation économique et des questions environnementales. Il est largement utilisé dans les écrits techniques, les médias grand public et les projets de protection de l’environnement, indépendamment du fait que la majorité de la littérature en sciences de l’environnement ne soutient pas ses justifications sous-jacentes. Il dépeint les populations rurales comme des victimes et des coupables partiellement responsables de la désertification, justifiant ainsi une intervention extérieure dans les pays sahéliens. Le récit de la désertification a un impact sur le financement de la recherche et du développement en mettant l’accent sur le rôle de l’aide internationale au développement dans la lutte contre la désertification. Il peut contribuer au contrôle politique des populations rurales, ces dernières étant stigmatisées en raison de leur utilisation souvent considérée comme excessive des ressources environnementales.

Paysage sahélien, région de Bambey, Sénégal, en septembre 2022
Paysage sahélien, région de Bambey, Sénégal, en septembre 2022 (JL Rajot)

Référence

Gangneron, F., Pierre, C., Robert, E., Kergoat, L., Grippa, M., Guichard, F., Hiernaux, P., & Leauthaud, C. (2022). Persistence and success of the Sahel desertification narrative. Regional Environmental Change, 22(4), 1-11.

Contact

PIERRE Caroline, CR CNRS, équipe F2ZC du département Sols_ZC

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